Perte de chance : l’impossible réparation du préjudice hypothétique

Perte de chance : l’impossible réparation du préjudice hypothétique

Publié le : 26/06/2023 26 juin juin 06 2023

La victime d’un dommage corporel, ou son représentant légal, peut solliciter la réparation du préjudice, si elle peut prouver qu’une faute est à l’origine de son dommage. Lorsque ces conditions sont réunies, elle peut même solliciter la réparation d’une perte de chance, c’est-à-dire la probabilité raisonnable de la survenance d’un évènement positif, ou de la non-survenance d’un évènement négatif.

Néanmoins, le 8 février 2023, la Cour de cassation rappelle que la réparation de la perte de chance suppose la preuve du lien de causalité entre la faute et le dommage invoqué. Le préjudice hypothétique n’est pas réparable, malgré les manquements avérés du professionnel de santé.


Une femme, ayant accouché d’un enfant atteint d’une infirmité motrice cérébrale, souhaitait engager la responsabilité du médecin anesthésiste, sur le fondement de l’article 1147 du Code civil. Elle lui reprochait d’avoir commis une faute de négligence, en omettant de consigner dans son dossier médical, des données qui auraient permis de prévenir l’hypotension artérielle de la mère, pouvant être à l’origine du dommage de l’enfant.

La Cour d’appel l’a déboutée de ses demandes, au motif que l’hypothèse d’une hypotension artérielle n’était pas étayée par des données cliniques, et les éléments décrits au cours de l’intervention. En l’absence d’indices sérieux, cette hypothèse ne pouvait être admise sur le seul fondement d’une probabilité statistique. Les juges du fond, ayant exclu la causalité directe entre les fautes du médecin et le dommage subi par l’enfant, ne l’ont donc pas condamné au titre de la perte de chance, malgré ses manquements avérés dans la prévention du risque d’hypotension.  

La demanderesse a formé un pourvoi en cassation, affirmant que tant qu’il n’était pas possible d’écarter avec certitude le lien de causalité, entre les fautes du médecin et le dommage de l’enfant, l’indemnisation pour perte de chance était due, peu importait l’indétermination de la cause exacte du dommage.

La Cour de cassation rejette le pourvoi, en considérant que la Cour d’appel, ayant écarté l’éventualité que l’infirmité de l’enfant ait été causée par une hypotension artérielle présentée par sa mère, n’a pu qu’en déduire, sans inverser la charge de la preuve, que les manquements du médecin anesthésiste n’ont pas fait perdre à l’enfant une chance d’éviter de subir son préjudice.

Cette solution se fonde sur le caractère direct du préjudice, car les rapports d’expertise n’avaient pas pu établir le lien de causalité entre les manquements et le dommage. Une solution contraire aurait inversé la charge de la preuve, obligeant le médecin à prouver que ses manquements n’avaient pas de lien de causalité avec le dommage subi. Or, cette charge pèse sur la demanderesse qui, à défaut, ne peut obtenir réparation du dommage invoqué.

Par ailleurs, l’indemnisation de la perte de chance ne peut pas déroger au principe de certitude du dommage. Aussi, la survenance d’un évènement favorable, ou la non-survenance d’un évènement défavorable, doit être réelle et sérieuse, et non une simple hypothèse. En l’espèce, les conséquences de l’hypotension était une hypothèse qui n’avait pu être vérifiée. Ainsi, l’évitement du dommage subi était aléatoire, même sans l’abstention fautive du médecin, ce qui empêche la réparation du préjudice.


Référence de l’arrêt : Cass. civ 1ère du 08 février 2023, n°22-10.169.
 

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